Ictère cholestatique du nouveau-né
Introduction
La cholestase, gêne à l’excrétion biliaire, se manifeste toujours par un ictère chez le nourrisson.
C’est un symptôme très banal, mais tout ictère persistant après 10 jours de vie doit être exploré. La première étape est purement clinique, permettant de distinguer un ictère à bilirubine libre, d’un ictère cholestatique, en regardant simplement la couleur des urines et des selles. Si les urines sont foncées, tachant les couches, les 3 urgences sont :
C’est un symptôme très banal, mais tout ictère persistant après 10 jours de vie doit être exploré. La première étape est purement clinique, permettant de distinguer un ictère à bilirubine libre, d’un ictère cholestatique, en regardant simplement la couleur des urines et des selles. Si les urines sont foncées, tachant les couches, les 3 urgences sont :
- Une injection intraveineuse ou sous-cutanée de vitamine K (2–10 mg) pour prévenir un accident hémorragique.
- Le diagnostic d’une pyélonéphrite aiguë.
- Le diagnostic d’atrésie des voies biliaires.
Définition
L’ictère cholestatique ou hyperbilirubinémie conjuguée est définie par une valeur de bilirubine conjuguée supérieure à 17 μmol/l indépendamment de la valeur de bilirubine totale.
Intérêt
- Il touche un nourrisson sur 2500.
- AVB est responsable d’environ la moitié des cholestases néonatales.
- Le pronostic peut être menaçant.
- Traitement : parfois chirurgical.
- Prévention : possible dans les causes héréditaires (conseil génétique).
Bref rappel de physiopathologie
La bilirubine, principalement synthétisée à partir de l’hémoglobine, circule dans le plasma lié à l’albumine, est captée par l’hépatocyte, conjuguée par l’acide glucuronique puis excrétée au pôle biliaire de l’hépatocyte. Ce parcours est à sens unique et il n’y a pas dans les conditions normales de bilirubine conjuguée dans le sang.
En cas de gêne à l’excrétion biliaire (cholestase)
La bilirubine conjuguée reflue dans le sang et est éliminée dans les urines, qu’elle colore.
Les urines de nouveau- né ne tachent pas les couches, sauf si elles contiennent un pigment. Par ailleurs, les selles d’un nourrisson ne buvant que du lait de sa mère ou une préparation pour nourrisson ne sont colorées que par la bile ; elles sont donc plus ou moins décolorées si la bile n’arrive pas normalement dans le tube digestif.
Diagnostic positif
Circonstances de découverte
- La persistance ou l ’apparition d’un ictère après le 10e jour de vie
- Urines foncées.
- Selles décolorées
- Un abdomen aigu (perforation des voies biliaires),
- Une hémorragie (déficit en vitamine K majore par la cholestase)
- Une infection bactérienne (cholangite révélant une lithiase).
Clinique
- Ictère cutanéomuqueux
- Urines foncées.
- Selles décolorées
- Hépatomégalie
Biologie
- La recherche de bilirubine dans l’urine à la bandelette est positive.
- L’augmentation de la bilirubine sérique porte principalement sur la bilirubine conjuguée.
Diagnostic de gravite
- Insuffisance hépato-cellulaire
- Hypertension portale
- Cirrhose
Diagnostic différentiel
Nous éliminons les ictères à bilirubine indirecte sur les éléments anamnestiques, cliniques et biologiques.
Diagnostic étiologique
Enquête étiologique
Anamnèse
Une anamnèse détaillée concernant la famille, la grossesse, la période pré-/péri- et postnatale est fondamentale.
Elle doit comprendre le début de l’ictère ainsi que les changements de la couleur des selles et des urines.
L’examen physique comprend l’évaluation de l’état général de l’enfant, le status abdominal, l’état nutritionnel et la recherche de signes extra-hépatiques pouvant orienter vers un diagnostic.
Une fois l’hyperbilirubinémie conjuguée confirmée, le bilan et la fonction de synthèse hépatiques seront évalues par :
- Les dosages sanguins de l’alanine aminotransférase (ALAT)
- La gamma glutamyl transpeptidase (gamma-GT)
- Le temps de prothrombine (Quick)
- Le glucose
- L’albumine
- L’ammonium (NH4).
- Autres : ECBU, Test sérologiques, Bilan inflammatoire, l’électrophorèse des protides, test de la sueur.
La phosphatase alcaline (PA) ne permet pas d’évaluer la cholestase à cause de la prédominance de l’isoforme osseuse pendant la croissance chez le nourrisson et l’enfant en général.
Il est important de savoir que si bon nombre de cholestases sont associées à des valeurs élevées de gamma GT plasmatique, certaines ne le sont pas (cholestase à gamma-GT basse) et suggèrent un autre diagnostic. De plus, chez le nouveau-né la valeur normale est plus élevée que chez l’enfant plus âgé.
Imagerie
L’échographie abdominale à jeun, (au minimum durant 6h) : permet d’évaluer les voies biliaires, les vaisseaux, et le parenchyme hépatique.
La mesure de l’élasticité du foie couplée à l’échographie (ARFI) : pour dépister la fibrose hépatique.
La radiographie du rachis complet : de face recherche une vertèbre en aile de papillon.
L’échographie cardiaque : montre la pathologie droite d’un syndrome d’Alagille, ou la cardiopathie d’une fœtopathie ou d’une atrésie des voies biliaires avec syndrome de polysplénie.
Cholangiographie à ciel ouvert.
CPRE (cholangio-pancreatographie retrograde endoscopique).
MRCP (resonance magnetique cholangio pancreatographie).
Scintigraphie hépatobiliaire à l’HIDA : scintigraphie hépatobiliaire à l'acide hydroxy-iminodiacétique (est un examen très rarement utile).
Examen ophtalmologique : l’ophtalmoscope, la lampe à fente.
Histopathologie
La biopsie hépatique peut permettre d’orienter vers l’étiologie d’une cholestase. Les signes classiques d’une obstruction biliaire sont l’œdème portal et la fibrose péri-portale (Fig.1).Figure 1: cholestase et cirrhose lors d’une atrésie des voies biliaires. Fibrose et œdèmes periportaux avec réaction ductulaire |
Figure 2: cholestase lors d’une atrésie des voies biliaires (200x) Flèches: plugs biliaires. Triangles: prolifération ductulaire |
Résultats de l’enquête
Cholestases extra-hépatiques
Calcul dans la voie biliaire principale
L’enfant a généralement des « coliques », dont l’origine n’est pas toujours facile à diagnostiquer.
L’enfant a généralement des « coliques », dont l’origine n’est pas toujours facile à diagnostiquer.
Le traitement est soit l’attente d’une élimination spontanée, soit le lavage percutané ou endoscopique des voies biliaires.
Kyste du cholédoque
Il se manifeste rarement avant plusieurs mois de vie. La suspicion échographique est confirmée par la cholangio-IRM, qui montre de plus l’anomalie de la jonction bilio-pancréatique responsable des lésions de la voie biliaire principale par reflux de suc pancréatique.
Il se manifeste rarement avant plusieurs mois de vie. La suspicion échographique est confirmée par la cholangio-IRM, qui montre de plus l’anomalie de la jonction bilio-pancréatique responsable des lésions de la voie biliaire principale par reflux de suc pancréatique.
Le traitement est l’excision chirurgicale complète.
Causes rares
- Angiome de la voie biliaire principale.
- Angiome de la voie biliaire principale.
- Perforation spontanée des voies biliaires : qui se présente plutôt sous une forme aiguë, avec un abdomen très douloureux et tendu dû à l’ascite biliaire. La cure chirurgicale est urgente.
Cholestases extra- et intra-hépatiques
Atrésie des voies biliaires
Définie par l’oblitération fibreuse des voies biliaires intra et extra hépatiques, survenant en période anté- ou immédiatement post-natale.
- elle est responsable d’environ la moitié des cholestase néonatales.
- elle est responsable d’environ la moitié des cholestase néonatales.
- Etiopathogénie toujours inconnue
- L’AVB est une urgence diagnostique et thérapeutique
- Traitement: Technique de Kasaï
Il s’agit d’un groupe de maladies rares, probablement de transmission autosomique récessive, et d’évolution variable, souvent rapidement défavorable.
Le diagnostic est porté à la cholangiographie peropératoire réalisée pour suspicion d’atrésie des voies biliaires, qui montre une perméabilité de l’arbre biliaire du foie jusqu’à l’intestin, mais avec des voies biliaires anormales, présentant des sténoses et des dilatations (aspect en chapelet).
Cholestases intra-hépatiques
Infections
Bactériennes
Pyélonéphrites aiguës
La cholestase est due à l’inhibition du transport des acides biliaires par les toxines bactériennes.
Elle disparaît rapidement avec les antibiotiques.
Sepsis sévère néonatal
Peut aussi entraîner une cholestase.
Fœtopathies
L’enfant présente généralement d’autres atteintes, petit poids de naissance, atteinte neurologique, cutanée, neurologique, oculaire, cardiaque, splénomégalie.
Syphilis, rubéole, toxoplasmose et virus herpes: peuvent se manifester avec une cholestase néonatale, qui apparait typiquement pendant les 24 premières heures de vie, avec un retard de croissance. L’anamnèse maternelle et la sérologie pendant la grossesse aideront à confirmer la suspicion clinique.
Quant au CMV, c’est un virus très fréquent, mais très rarement responsable d’une cholestase néonatale isolée, très souvent accompagnée d’autres symptômes de fœtopathie. La cholestase d’une vraie infection à CMV n’est jamais complète et il faut surveiller ultérieurement l’audition.
Les virus des hépatites A, B, et C ne sont jamais responsables de cholestase néonatale.
Maladies génétiques et métaboliques
Syndrome d’Alagille
Il s’agit d’une embryo-fœtopathie de TAD (ou sporadique) associant l’atteinte de plusieurs organes avec une gravité variable.
Le diagnostic exige trois au moins des cinq critères. Il y a très souvent un retard de croissance intra-utérin :
- Faciès particulier (front bombé, petit menton pointu, hypertélorisme).
- Embryotoxon postérieur.
- Anomalies vertébrales à type de vertèbre en « aile de papillon ».
- Sténose périphérique des branches de l’artère pulmonaire.
- Cholestase chronique due à une paucité des voies biliaires inter lobulaires.
Le syndrome a une pénétrance complète, c’est-à-dire symptomatique à chaque génération, mais une expressivité variable.
Déficit en alpha-1-antitrypsine
L’alpha-1-antitrypsine est la principale anti-protéase plasmatique, synthétisée puis secrétée par le foie et activé dans le poumon, qu’elle protège des protéases bactériennes. Le déficit touche 1/1600–1/ 2000 nouveau-nés, dont 10–15 % développent une cholestase.
L’ictère disparaît quasiment toujours en quelques mois. L’évolution se fait ensuite soit vers la normalisation complète, soit la persistance d’anomalies biologiques, soit l’aggravation clinique et biologique lente et l’apparition d’une hypertension portale.
Mucoviscidose
C’est une maladie génétique à transmission autosomique récessive.
Le diagnostic est suspecté par le dépistage néonatal et confirmé par le test de la sueur. Dans la grande majorité des cas, la cholestase n’est pas isolée, mais associée à un iléus méconial.
La rétention biliaire est due à :
- La bile épaisse
- L’immaturité du foie du nouveau-né
- L’interruption du cycle entéro-hépatique
L’ictère régresse quasiment toujours.
Cholestase familiale intra-hépatique progressive. PFIC (maladie de BYLER)
Il s’agit d’un groupe de maladies autosomiques récessives rares, aussi appelées cholestases fibrogènes familiales, dues à un défaut de formation de la bile. Les types 1 et 2 peuvent s’exprimer très tôt, le type 3 souvent plus tard et est donc rarement responsable d’une cholestase néonatale.
Les PFIC1 et PFIC2, dues à un défaut de sécrétion des acides biliaires dans la bile.
PFIC3 : défaut d’excrétion des acides biliaires.
Le traitement de référence reste la transplantation hépatique mais certains enfants atteints de PFIC peuvent bénéficier d’un traitement par l’acide ursodésoxycholique ou d’une dérivation biliaire externe
Anomalies de synthèse des acides biliaires
Ce sont des maladies rares, mais traitables par apport d’acides biliaires exogènes, il est donc important d’en porter le diagnostic. Celui- ci associe une cholestase sévère et un taux « normal » d’acides biliaires dosés par les méthodes habituelles qui ne détectent que les acides biliaires physiologiques ; ceux-ci sont élevés dans toutes les autres causes de cholestase, puisqu’ils sont le composant majeur de la bile retenue.
L’étude en chromatographie du sang et des urines montre la présence d’acides anormaux. Le taux de GGT est normal, car les lésions sont initialement uniquement hépatocytaires, causées par la rétention d’acides biliaires anormaux très toxiques et l’impossibilité de sécrétion de la bile.
Maladie de Niemann-Pick de type C
C’est une maladie de surcharge lysosomale causée par un déficit en sphingomyélinase.
Le nourrisson peut avoir déjà une splénomégalie (de surcharge), des signes neurologiques et des lymphocytes bleutés sur le frottis sanguin ou le myélogramme. Mais c’est inconstant et le diagnostic peut n’être porté que tardivement, à l’apparition d’une paralysie du regard vertical.
L’atteinte hépatique peut régresser et l’atteinte neurologique survenir des années plus tard, ou bien la cholestase progresse vers la cirrhose et la décompensation hépatique.
La transplantation est contre-indiquée, car elle ne prévient pas et accélère même la dégradation neurologique.
Le diagnostic est génétique.
Maladies métaboliques d’« intoxication » (la tyrosinémie et la galactosémie)
Se manifestent par une cholestase isolée, car elles entraînent plus souvent une insuffisance hépatique (TP bas). Les symptômes dépendent de l’apport alimentaire du toxique, protéines ou galactose, et il y a donc un intervalle libre par rapport à la naissance.
La tyrosinémie est diagnostiquée par la chromatographie des acides aminés, le dosage de l’acide delta- aminolévulinique sanguin, et de la succinylacétone urinaire.
La galactosémie sur l’existence d’une cataracte et le dosage de l’enzyme (galactose-1-phosphate uridyl-transférase).
Le régime d’exclusion est le traitement dans les deux cas, plus le NTBC, traitement spécifique de la tyrosinémie.
L’intolérance héréditaire au fructose n’est généralement pas un diagnostic différentiel à cet âge (pas d’ingestion de fructose).
Déficit hormonal
Il s’agit exclusivement du déficit en cortisol, qui est indispensable à l’activation de nombreux gènes impliqués dans la formation de la bile. Comme le cortisol est un acteur majeur de la régulation glycémique, le nourrisson présente toujours des hypoglycémies.
Il peut s’agir d’une insuffisance surrénalienne ou antéhypophysaire (panhypopituitarisme). On peut trouver des signes de virilisation chez une fille, un micropénis chez un garçon, ou des anomalies de la ligne médiane.
Le diagnostic est posé sur les hypoglycémies et le dosage du cortisol urinaire du matin.
L’hypothyroïdie congénitale n’est pas responsable de cholestase, mais peut s’accompagner d’une augmentation de la bilirubine libre.
Toxiques
Il n’est pas impossible que certains toxiques passent dans le lait maternel et perturbent sur la sécrétion biliaire.
Dans certaines situations d’agression hépatique, prématurité, hypoxie, interruption du cycle entéro-hépatique, infection, la nutrition parentérale peut participer au développement d’une cholestase.
Dans la majorité des cas dans des mains expertes, elle n’entraîne pas de toxicité hépatique.
Tumeurs
- Il ne peut s’agir à cet âge que d’un hémangiome hépatique multinodulaire, équivalent de l’angiome « fraise ».
- La cholestase est généralement secondaire par rapport à l’hépatomégalie et l’éventuelle défaillance cardiaque.
- Le diagnostic est facile à l’échographie.
- Le traitement est le propranolol, qui entraîne généralement une régression rapide des lésions.
Hémolyse
On peut voir une cholestase se développer après une exsanguino-transfusion ou en cas d’hémolyse massive néonatale, peut-être par saturation de la bile en bilirubine.
Traitement
Traitement spécifique
- Chirurgie de l’atrésie des voies biliaires.
- Antibiotiques d’une pyélonéphrite.
- Hormonothérapie d’un déficit en cortisol.
- Acide ursodésoxycholique pour une cholestase familiale intra-hépatique progressive. . .
Traitement des conséquences de la cholestase
L’alimentation doit être enrichie, en particulier en triglycérides à chaîne moyenne (hydrolysats de protéines, huiles TCM), et en glucides.
Les vitamines ADEK sont apportées per os à forte dose tant que la cholestase est modérée, plutôt par voie sous-cutanée ou intra-musculaire au-dessus, sauf la vitamine e dont une forme hydrosoluble est disponible (vedrop1).
Transplantation hépatique
Elle peut être indiquée à terme dans nombre de ces maladies si la cholestase évolue vers la cirrhose biliaire puis la décompensation hépatique :
- Atrésie des voies biliaires quand l’intervention n’a pas permis le rétablissement du flux biliaire.
- Cholestase familiale intra-hépatique progressive répondant mal à l’acide ursodésoxycholique. . .
- L’ictère est très fréquent chez le nouveau-né, mais il n’est pas toujours bénin.
- Le diagnostic de cholestase est clinique et l’orientation initiale ne nécessite pas de tests sophistiqués.
- Le diagnostic d’atrésie des voies biliaires est celui qui doit être suspecté à toutes les étapes et il ne faut pas hésiter à demander rapidement conseil à un service spécialisé, ou transférer l’enfant en cas de doute.
Références
- Cholestase néonatale : archives de pédiatrie 2016).
- La cholestase néonatale : guide pratique pour la prise en charge du nourrisson Luca Garzoni et Valerie MC Lin, Genève pediatrica 2016.
- Diagnostic précoce des ictères cholestatiques chez le nouveau-né archive de pédiatrie 1998.